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Parmi
les nombreux genres flamencos, existe la Taranta, un chant venu de la région
d' Almeria, à l' est de l' Andalousie. C' est une région minière et les
lettras parlent souvent de la condition des travailleurs. Ainsi... En el fondo de una mina / clamaba un minero asi / En que soledad me encuentro! / Es mi companera un candil. Dans l' obscurité de mon studio / se lamentait un illustrateur / Quelle solitude est mienne! / Ma seule compagnie est celle de ma lampe. ( Traduction très libre et adaptée. ) J'ai souvent constaté qu'en dehors du cercle restreint des initiés, la plupart des quidams s'enquérant des activités auxquelles je me consacre, s'interroge ensuite sur ma réponse: Illustrateur: Qu'est-ce que c'est? Soit, prenons un exemple. |
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Un
illustrateur est un mercenaire qui met ses crayons et ses pinceaux au service
d'un commanditaire dont il doit satisfaire pleinement l'attente. Si
l'illustrateur peut mettre en scène son univers dans les limites qui lui
sont données, cela n'en sera que meilleur pour les deux parties. Mais il me faut avouer que ces derniers temps tout espace de liberté a été étranglé par la main de fer des commerciaux. Parlons donc de la commande idéale. Durant l'été 1998, la médiathèque « la Durance » me demande une illustration destinée à une manifestation sur le roman noir, ceci assorti d'une carte blanche quant au traitement du sujet. |
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Melancolia " voici l'esquisse de l'idée qui me vint en premier lorsque
le projet de cette affiche fut évoqué. Mais les yeux du personnage ne lisaient pas et, de ce simple fait, je me retrouvais avec une créature sujette à des accès de bile noire, affection que l'on traitait jadis avec de la musique et du vin doux... " Regardez les mélancoliques " : nombre d'entre eux ont un livre entre les mains. Mais leurs yeux ne lisent guère : ils rêvent, ils inventent, ils écrivent un autre livre, plus complet, achevé peut-être : le Livre, celui qui ne sera jamais écrit... " C'est exactement l'effet inverse qui était induit dans " le voleur de livres ". Les lunettes et le faisceau de la lampe torche décuplaient le regard scrutateur posé sur le livre. |
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Aussi
me suis-je résolu à l'abandon de la jeune femme mélancolique et ai-je
songé à une situation relevant plus directement du " suspense "...
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Cela
faisait bien des années que dans mes cartons traînaient divers croquis d'un
bibliothécaire aux yeux fatigués, au dos rompu et à la cervelle aussi vacillante
que la pauvre chandelle qui éclaire son ouvrage. Assurément, l'homme avait
fait siennes les paroles de l'Ecclésiaste : " Je me suis dit à moi-même : voici que j'ai accumulé plus de sagesse que quiconque avant moi et j 'ai amassé toute sorte de savoir. J'ai mis tout mon cœur à comprendre la sagesse et le savoir et j'ai enfin réalisé que tout cela n'était que recherche du vent... " |
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![]() Le lecteur courageux peut y trouver aussi le tournoi qui opposa les deux célèbres peintres athéniens Zeuxis et Parrhasios : il s'agissait pour les deux protagonistes de représenter, avec le plus de véracité possible, une corbeille de fruits et Zeuxis peignit des raisins avec un tel réalisme qu'une escadrille de moineaux abusés piquèrent sur l'estrade de l'artiste pour se goinfrer des grappes juteuses. L'orgueil de Zeuxis s'en trouva encore renforcé ce qui n'était pas nécessaire : Ne s'était-il pas résigné à faire don de ses œuvres car, pensait-il, personne ne pouvait lui donner chose plus précieuse en échange !... Une leçon s'imposait et Parrhasios peignit à son tour une corbeille de raisins mais qu'un rideau cachait en partie. Et ce rideau avait été représenté avec tant de bonheur que Zeuxis demanda qu'on l'ôtât pour contempler le tableau tout entier ! Pline nous raconte que lorsque Zeuxis réalisa sa bourde, il reconnut le triomphe de Parrhasios qui ne se contentait pas lui, d'abuser de malheureux oiseaux mais le grand homme en personne !... Zeuxis peignit par la suite un jeune homme portant une corbeille de raisins et les étourneaux, une fois encore abusés, se ruèrent sur les grains de raisins ce qui désespéra Zeuxis : " Sans doute ai-je mieux peint les fruits que le jeune homme car si je l'avais rendu à la perfection, sa présence aurait dû faire peur à ces damnés volatiles ! " C'est l'anecdote traitant du trompe l'œil la plus populaire, presque autant que celle du jeune et facétieux Giotto qui, profitant de l'absence de son maître Cimabue, peignit une mouche sur l'œuvre en cours. Lorsqu'il eut bu son Expresso, Cimabue revint dans l'atelier et aperçut une mouche sacrilège posée sur sa fresque. Et il tenta de la chasser... C'est en manière de clin d'œil respectueux à tous ces grands maîtres que je réalisai moi-même " une mouche sur la confiture ". L'éditeur me refusa cette illustration en la qualifiant de morbide : il y a des gens qui ne goûtent pas la fine plaisanterie ! D'une manière totalement incompréhensible, lorsque je présente ma dernière œuvre " Vulnerant omnes, ultima necat " à des éditeurs de bandes dessinées et que je développe les quelques idées dont j'ai fait la substance de cette présentation, je sens bien que leurs cœurs se ferment, ainsi que leurs portefeuilles et enfin les portes de leur commerce avec la recommandation de ne plus jamais me les laisser franchir. |
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C'est à cette époque que
je me mis en tête d’en donner ma version, de cette Salomé. Quelle folie !
Gaël posa de longs mois pour ce projet. Le Tétrarque : Ah, c’est magnifique, c’est magnifique ! Vous voyez qu’elle a dansé pour moi. Que veux-tu, dis ? Salomé : Je veux qu’on m’apporte dans un plateau d’argent… - Dans un plateau d’argent ? Mais comme elle est charmante ! Et qu’est-ce que voulez qu’on vous apporte dans un plateau d’argent ? - Donne-moi la tête de Iokanaan. - Non, non ! Vous ne voulez pas cela. Vous me dites cela seulement pour me faire de la peine, parce que je vous ai regardée pendant toute la soirée. Mais je ne le ferais plus. Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne vous montrent que des masques… Le Tétrarque cède cependant (C'est un type qui ne sait pas dire non à une jolie fille, comme tous les types, en fait!). La Princesse de Judée saisit la tête décollée de Saint-Jean batiste et lui murmure: « Ah, j’ai baisé ta bouche, Iokanaan. Il y avait une âcre saveur sur tes lèvres. Était-ce la saveur du sang ? Mais peut-être est-ce la saveur de l’amour. On dit que l’amour a une saveur âcre… » |
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