La nostalgie « ah, mon Vieux Paris, qu’il était beau », c’est pas mon genre. Moi, le Paris dont je me souviens, il était à peu près aussi RIGOLO qu’un Duvivier, genre « Voici le Temps des Assassins » !

Passez vos plus jeunes années dans ce genre d’atmosphère et, fatalement, vous imaginerez des maniaques cachés derrière des pans de murs foudroyés » !

Aujourd’hui, quand on entend « Bercy », on comprend « Finances et Co ».

Mais dans ma mémoire, Bercy, ou plutôt les Halles aux Vins, c’était plutôt ça : un vrai décor de FILM NOIR. En y repensant, c’était normal que je fasse presque exclusivement dans ce genre. Non pas une prédestination mais parce que c’était mon seul décor, gamin un peu craintif, ou bien trop imaginatif.

Et qui voyait assez bien, sur ces pavés mouillés, surgir une grosse limousine noire. Avec tout son folklore...  

Longtemps, je me suis promené avec mon Rollei 35, clichant tout ce qui sollicitait mon attention.   C' est à-dire tout mais, de préférence, des choses métalliques avec de gros boulons, de la ferronnerie, des machines anciennes qui crachent et qui sifflent...
Des voitures avec des chromes, de vrais pare-chocs et des calandres rutilantes... Ou des choses qui n'existent plus...
Des Palais qui ont brûlé... Des gares qui sont devenues des musées...

Si les repérages ont une fonction documentaire, ils n'entendent pas être la réalité. Car bien souvent cette dernière ne ressemble pas à ce que l'on en attend. Par exemple, les asiles de dingos s'imaginent ainsi...

...or il n'en est rien: L'établissement de ce genre le plus proche ressemble en réalité, niché au milieu des pins, à un camp de vacances assez cossu. La lobotomie frontale n'y est pas vraisemblable, ni les cellules capitonnées, ni même les camisoles. La pire pratique coercitive doit y être un léger calmant. Mais rien à voir avec les drogues qui vous laissent sur le cul avec la mâchoire qui pend, de bons et honnêtes remèdes ceux-là !...
Donc l'édifice choisi pour devenir la mythique Fondation Harrington fut le bâtiment vétérinaire de la Villette: Les choses devraient toujours ressembler à ce qu'elles sont, la vie serait plus simple.
Ce bâtiment me servit aussi pour faire le portrait de mes instituts médico-légale :

- Dans « In the Mood for Love », M. Chow se rend, à la fin du film, à Angkor : « Sais-tu comment, autrefois, on gardait un secret ? On creusait un trou dans le tronc d’un arbre, et y après avoir chuchoté son secret, on rebouchait le trou avec un peu de terre ». Dans 2046 dont « In the Mood for Love » est le prologue, monsieur Chow brode à nouveau sur ce thème : « Quand on me demande pourquoi j'ai quitté 2046, je reste vague, je ne donne jamais la même réponse. Autrefois, quand on avait un secret que l'on ne voulait confier à personne, on allait dans la montagne creuser un trou dans le creux d'un arbre pour y chuchoter son secret. Puis on rebouchait le trou avec de la terre alors le secret était bien gardé pour l'éternité. J'ai aimé autrefois mais elle m'a quitté. Je suis parti pour 2046 dans l'espoir qu'elle m'y attende là-bas. Je ne l'y ai pas trouvée. Je ne peux m'empêcher de me demander si elle m'a jamais aimé. Question vaine peut-être : sa réponse est un secret que nul n'apprendra sans doute jamais. » Ainsi 2046 n’est pas seulement un monde futur imaginé par monsieur Chow, mais c’est aussi le numéro de la chambre d’hôtel où il écrivit un roman de sabre avec l’aide de Mme Chan…
- Et vous, que répondez-vous quand on vous demande pourquoi vous avez quitté Paris ?
- Je reste vague et ne donne jamais la même réponse !