Parfois, j'ai l'heureuse surprise de trouver un message électronique dans ma boite de réception.
Souvent, ils sont des plus encourageants et parfois ils sont à méditer. Ainsi, il m'a été demandé d'expliciter ma technique. Je dois avouer que je suis un type plutôt classique, en tous cas dans sa méthode.
Par exemple, c'est avec des yeux toujours émerveillés que, dans les magasins de BEAUX-ARTS, je parcours les alignements des tubes de gouaches, d'huiles ou d'acryliques. Et je mets dans mon cabas, sans vraiment de raison et plutôt en dépit du raisonnable, toutes sortes de crayons, de gommes, de taille-crayons, de tubes d'aquarelles et même des boites de pastels dont je ne suis pas, chacun le sait, un spécialiste. Je fais un métier où il faut toucher les matières, sentir les odeurs des couleurs, écouter le froissement des papiers et caresser du bout des doigts leur surface blanc cassé pour en mesurer le grain. Je me suis résolu à l'abandon de l'argentique. J'avoue ne jamais avoir été un aficionado des effluves des révélateurs, bains d'arrêt et autres fixateurs, ça aide ! Mais pour le dessin, je suis formel : faut garder le contact !
- Parfait ! Excellent ! Mais quelle est la suite, concrètement ?
- Ah, ensuite ? Je crayonne. Puis j'encre, c'est tout bête...
La preuve, ci-dessus en images ou plutôt en dessins et plus encore, ci-dessous...

- « Shanghai Express », une revue qui ne parlait ni de Marlene Dietrich, ni de Joseph von Sternberg, mais de POLAR ! Pour cette commande, il s’agissait d’illustrer un article du Code Pénal… Attendez que je retrouve… Voilà ! Article 312-1: L’EXTORSION ! La jeune femme écrit sur la feuille qui lui tiendra lieu de testament : « C’est de mon plein gré que je cède tous mes biens à mon époux bien-aimé… »

- Très amusant ! Cette modèle rend fort bien : avez-vous fait d’autres dessins avec elle ?

- Non, en dehors de la couverture de cette même revue. Je ne sais pourquoi...

Peut-être ne devrais-je pas divulguer des recettes internes à la profession d' illustrateur. Mais tant pis ! Les dessinateurs et les hommes d' images découpent dans les revues et les magasines toutes sortes de choses qu' ils archivent ensuite plus ou moins méthodiquement: Ils appellent cela leur documentation! L' idée est que cela pourrait servir un jour. Mais, souvent, des années passent avant que vous vous inspiriez de vos compilations : C'est une photo de John Travolta ( peut-être dans volte-face?) qui était rangée dans: le dossier "ATTITUDES".
Mais, en vérité, la genèse du " Tueur pensif" vint du prêt d' une reproduction de Beretta 92 stainless. Il fallait bien en faire quelque chose, avant de la rendre à regret, de cette magnifique réplique! Ainsi nait un dessin, de la rencontre d' une attitude et de la possession d' un objet.
A ce propos, que l' on cesse de prétendre que mes dessins seraient, en fait, des photos retouchées. Il est clair qu' elles sont, parfois, une base de départ. L' œil a constamment besoin de se nourrir d' images nouvelles ou de visions différentes...
En fait, on cherche aussi des images qui nous conviennent.
Car, bien avant que je vois cette photographie, j'avais déjà brodé autour de ce thème.

N' avais-je pas fait " Python 357" ? Le tueur se charcutait la joue avec le canon de huit pouces pour tromper son attente ! Et puis, aussi ( décidemment je tourne en rond), dans " J.R. à N.Y." où un autre timbré se grattait pensivement le menton en regardant l' objet de toutes ses sales convoitises, évaluant sans doute si ses prestations valaient vraiment le prix qu' elle en attendait. D' autant que l' hôtel faisait dans le hors-catégorie ! Bref, un sacré paquet de pognon qu' il convenait d' investir à bon escient !